Retour en images sur la JdD du GREI 2024

Mai 31, 2024 | Autres actualités scientifiques

Troisième édition de la Journée des doctorantes et doctorants du GREI

25 avril 2024

Maison de la recherche de la Sorbonne Nouvelle, Paris 5ᵉ

La Journée des doctorantes et doctorants du GREI est un événement annuel de notre unité, organisé par les doctorants et pour les doctorants. Traditionnellement prise en charge par un binôme, se déroulant sur une demi-journée, la JdD constitue une occasion privilégiée pour les doctorants de présenter leurs travaux de recherche à un public averti et bienveillant. Dans un esprit de convivialité et de rigueur intellectuelle, tous les organisateurs se sont évertués à faire de cette réunion un moment enrichissant et inspirant pour l’ensemble de la communauté du GREI et, plus largement, des indianistes.

La troisième édition de la JdD du GREI (2024), organisée par Fabienne Bagnis et Ulysse Barthel a réuni six participants. Bruno Vilela Da Silva et Georgi Krastev ont participé en visioconférence depuis l’Inde et la Bulgarie.

Photos prises par Navpreet Singh, Ulysse Barthel et Fabienne Bagnis.
Plusieurs intervenants ont eu la gentillesse d’envoyer plusieurs images de leur présentation.

Programme détaillé et résumés des communications

Programme détaillé

13h15 – Café d’accueil

  • 13h30 – Mot de Vincent ELTSCHINGER (EPHE-PSL, directeur du GREI)
  • 13h40 – Bruno VILELA DA SILVA (EPHE-PSL) : « Le Yoga dans les premières sources śaiva »
  • 14h10 – Georgi KRASTEV (EPHE-PSL) : « How to See the Unseen: Some Preliminary Observations on the Extraordinary Perception Obtained through Oracular and Dream Divination Rituals in India »
  • 14h40 – Qingyang HUANG (EPHE-PSL) : « Faltering words based on negative similarity: Dharmakīrti’s view on upācara as a refutation towards universal realism »

15h10 – Pause-café

  • 15h30 – Fabienne BAGNIS (USN) : « À propos des trente-cinq syllogismes de Śaṅkara dans son Yogavivaraṇa (aphorisme 1.25) »
  • 16h00 – Victor BAPTISTE (EPHE-PSL) : « Le milieur culturel burhāpūrī au XVIIIᵉ siècle : politique, mysticisme et littérature »
  • 16h30 – Lucas PASQUET (USN) : « L’obsolescence du réel : quelques leçons tirées de l’étude du 7ᵉ chapitre du Tattvasaṃgraha  »

17h00 – Moment de convivialité

Bruno VILELA ᴅᴀ SILVA (EPHE-PSL) : “Le Yoga dans les premières sources śaiva”

L’histoire du Yoga et de ses techniques a été éclairée, ces dernières années, par de nombreux projets d’édition de quelques sources importantes. Cependant, entre le contexte du Pātañjalayogaśāstra (IIIᵉ/IVᵉ siècle de notre ère) et la publication de nombreuses sources de Haṭhayoga, telles que l’Amṛtasiddhi et l’Amaraugha (XIIᵉ) demeure toujours une lacune de plusieurs siècles sur l’usage du Yoga. Entre-temps, les travaux du professeur Alexis Sanderson ont exposé la continuité entre les courants Atimārga et Mantramārga. Cette continuité, dans le cadre śaiva, se manifeste notamment par une assimilation conceptuelle du Sāṃkhya, mais aussi par un recours aux techniques du Yoga. Ainsi, à partir des traités śivaïtes les plus anciens disponibles (la Niśvāsatattvasaṃhitā et le Kālottaratantra), nous nous efforcerons de combler cette lacune dans l’histoire du Yoga et de ses techniques du Vᵉ au XIIᵉ siècle. Nous chercherons à démontrer comment ces deux textes se situent entre les continuités et les discontinuités qui caractérisent les deux pôles des sources historiques du Yoga connues jusqu’à présent.

Georgi KRASTEV (EPHE-PSL) : “How to See the Unseen: Some Preliminary Observations on the Extraordinary Perception Obtained through Oracular and Dream Divination Rituals in India”

Mentioned as early as the Kaṭha Upaniṣad, the dream-like, the world of the dead, light and shadow and what is visible in a mirror were all seen as related to the true nature of Reality. Widely regarded as reliable methods for seeing the Unseen across India – the past, present and future, the hidden, the invisible and the far away, both oracular and dream divination shared this capacity to provide reliable access to that Unseen. As centuries passed, these two methods of obtaining answers or guidance in the form of visionary experiences appear to have shared many common traits with practices such as “concentration” (dhāraṇā) or “cultivation” (bhāvanā), known to many Indian traditions. Oracular divination has been present on the Indian ritual landscape since at least the turn of the Common Era. Commonly referred to as “questioning” (praśna, prasenā) it was known to the early Buddhism of the Pāli Canon, was shunned by it and by more scholastic proponents of Atimārgic Śaivism, but was later heartily embraced by both proponents of the Mantramārga and their Buddhist Mantranaya colleagues. Parallelly to that, ritual approaches also developed around the topic of dream perception and its employment for prognostication and divination serving both mundane and soteriological purposes; and their reliability seems to have been taken as a matter of fact, even in texts as famous as the Yogasūtras of Patañjali. In this talk, I present some preliminary results from my ongoing dissertation research on this topic.

Qingyang HUANG (EPHE-PSL) : “Faltering words based on negative similarity: Dharmakīrti’s view on upacāra as a refutation towards universal realism”

Upacāra is roughly the Sanskrit counterpart of metaphor: when employed in a metaphoric manner, words are detected as faltering from their primary reference to their second reference due to certain kinds of similarity between the two. In my presentation, I intend to sketch Dharmakīrti’s view of the establishment of human language under his nominalist view towards universal at first, then his analysis of metaphor on this basis in the context of Pramāṇavārttika (chapter III). Dharmakīrti uncompromisingly argues that the recurring nature of language is exactly contrary to the uniqueness of the particulars, i.e., the only things he considers to be real, so that language could by no means touch reality. In that case, people’s intentions and practical goals are the only basis for the establishment and application of human language. I will also introduce two refutations proposed by Dharmakīrti towards the abuse of metaphor of the realists of universal: when their language-universal-reference system struggles with certain linguistic phenomena, these people sometimes clutch metaphor to explain why words may refer to things that are not originally prescribed as their references. According to Dharmakīrti, this method simply exposes their own belief about language and universal to criticism, as it violates our daily use of metaphors.

Fabienne BAGNIS (USN) : “À propos des trente-cinq syllogismes de Śaṅkara dans son Yogavivaraṇa (aphorisme 1.25)“

Dans son Yogavivaraṇa, commentaire au Pātañjalayogaśāstra, Śaṅkara (VIIIᵉ siècle ?) est le seul commentateur majeur à consacrer une place aussi importante à la section d’Īśvara (Dieu). Celle-ci a fait l’objet d’un travail d’édition critique ainsi que d’une traduction annotée de la part de Kengo Harimoto paru en 2014. Dans sa monographie : God, Reason and Yoga, K. Harimoto relève dans le commentaire à l’aphorisme 1.25 « trente-cinq syllogismes » censés démontrer l’activité créatrice d’un unique agent intelligent et omniscient : Īśvara. Après avoir brièvement présenté le contexte et la dynamique des trente-cinq syllogismes, nous nous arrêterons sur l’argument capital de l’agencement ordonné (racanā/racanāviśeṣa) du monde et des choses tel qu’il se décline chez Śaṅkara. L’argument trouve son origine chez le penseur naiyāyika Aviddhakarṇa (VIᵉ siècle ?), dont l’œuvre ne subsiste qu’au travers de fragments, paraphrasés et cités par les bouddhistes Śāntarakṣita et Kamalaśīla (VIIIᵉ siècle) dans le Tattvasaṅgraha et sa Pañjikā. Enfin, s’agissant d’une éventuelle objection, Śaṅkara mobilise uniquement la thèse du « caractère intrinsèque/spontané » (svābhāvikatva) de l’agencement du monde, lequel se réalise sans le besoin d’un agent omniscient. Nous présenterons également les deux premiers exemples employés par Śaṅkara, à savoir « le caractère acéré de l’épine » (kaṇṭakatīkṣṇatva) ainsi que « la fermeture et l’ouverture du lotus blanc et du lotus rose » (kumudakamalasaṃkocavikaca).

Victor BAPTISTE (EPHE-PSL) : “Le milieu culturel burhānpūrī au XVIIᵉ siècle : politique, mysticisme et littérature”

La ville de Burhānpūr, située dans la région du Khāndesh, le long de la rivière Tapti, au nord du plateau du Deccan (Madhya Pradesh), a été, dans l’empire moghol, la capitale politique de la province du Deccan et du Khāndesh (ṣuba-yi dakkan-u khāndēs) jusqu’au second gouvernorat d’Aurangzēb dans cette région (1062–1067 hég., 1652–1657). Passée cette date, elle a conservé une certaine importance politique, du fait de sa situation stratégique (elle constitue une étape majeure des routes commerciales reliant le Sud au Nord de l’Inde), mais aussi une aura culturelle et religieuse particulière de par la présence en ses murs de nombreux mystiques musulmans issus de lignées (silsila) prestigieuses ainsi que de plusieurs sanctuaires soufis d’importance. Cette communication se fixe pour objectif de décrire les processus sociaux et intellectuels animant la création littéraire à Burhānpūr durant la première moitié du XVIIᵉ siècle par le prisme de l’œuvre d’Āqil Khān Rāzī (1026?–1108 hég., 1617?–1696), poète, homme d’État moghol et disciple d’un saint musulman de Burhānpūr, Buhrān ul-Dīn Rāz-i Ilāhī Shat̤t̤ārī (998–1083 hég., 1589/90–1672/73). Il s’agira d’identifier les mécènes de Rāzī et des autres auteurs burhānpūrī, leurs fréquentations intellectuelles et spirituelles et les textes, persans et vernaculaires, qui se trouvaient alors en circulation dans les milieux littéraires et les cercles soufis de la ville.

Lucas PASQUET (USN) : “L'obsolescence du réel : quelques leçons tirées de l'étude du 7ᵉ chapitre du Tattvasaṃgraha”

Pour la journée des doctorant.e.s, j’ai voulu partager un résultat transversal et réflexif de mes travaux de recherche – transversal en ce qu’il m’est apparu comme répétition, me permettant de me libérer de l’hyper-focus propre à tout travail de recherche. L’obsolescence du réel – une position au-delà de la simple formule. Je voudrais défendre cette position – qui est pertinemment polémique et non simplement rhétorique, en ce qu’elle permet un changement de perspective dans l’étude des manières dont des auteurs indiens comme Śāntarakṣita et Kamalaśīla (VIIIᵉ siècle) ont trouvé valide et justifié de réfuter l’existence du Soi (ātman) –, à savoir l’idée d’un principe agentiel permanent, ce qu’on appellerait communément en Europe « l’âme », « l’identité personnelle ». Cette position permet aussi de dépasser assez simplement des apories herméneutiques dans lesquelles certain.e.s auteur.e.s ont été pri.se.s à cause de l’inertie des discussions scientifiques sur le Madhyamaka. L’obsolescence du réel devient donc un lemme qui sous-tend sans la contraindre l’analyse que j’essaie de mener de leurs arguments contre l’existence du soi. J’en donnerai quelques exemples. C’est aussi une manière de dédramatiser ce qui a souvent été un outil de narration vite infécond lorsqu’on a parlé du Madhyamaka et de la vacuité. Cette position est donc transversale en tant qu’elle dépasse aussi mon objet d’étude spécifique sans pour autant le réduire à une insuffisance – la manière dont l’obsolescence du réel m’aide à considérer mon objet m’aide à réfléchir sur la manière dont j’étudie cet objet.