Extraits choisis

Charles Malamoud est directeur d’études émérite à l’Ecole pratique des hautes études, section sciences religieuses. Elève de Louis Renou, ses travaux portent sur le Veda et la pensée brâhmanique dans son ensemble.
Nicolas Filicic, éditeur aux Belles Lettres, notamment responsable de la Série indienne, s’est entretenu avec lui à l’occasion de la parution en librairie de L’Inde fondamentale, de Louis Renou.

Vincent Eltschinger et Isabelle Ratié viennent de publier Qu’est-ce que la philosophie indienne ? chez Folio, dans lequel ils ont décidé de ne pas présenter une juxtaposition de traditions doctrinales indiennes mais une réflexion philosophique à l’œuvre, susceptible de traverser les époques et d’alimenter la réflexion philosophique non-indienne, notamment occidentale. On lit entre les lignes de votre introduction que c’était également l’ambition de votre choix pour L’Inde fondamentale. Dans quel sens et sur quels aspects en particulier ?

Je ne me suis pas encore procuré le livre dont vous me parlez, je ne peux donc répondre directement à votre question. Mais ce que j’ai pu lire de leurs auteurs me donne à penser qu’ils ont certainement atteint le but qu’ils s’assignaient. S’agissant de Renou et de sa manière d’envisager la philosophie indienne, ou le rapport de l’Inde à la philosophie, je voudrais faire la remarque que voici : dans ce volume, les études que l’on pourrait qualifier de philosophiques sont regroupées dans la section II, intitulée « Notions fondamentales ». Elles portent sur des termes qui, avant de désigner des concepts philosophiques portent tous, dans leur acception védique, sur des aspects de l’agencement et du désagencement. Il ne s’agit pas ici de l’âme et du corps, de la structure du cosmos ou de la destinée humaine. Il s’agit avant tout de réfléchir à la façon dont les poètes et les penseurs du Veda décrivent le surgissement de la parole poétique ou rituelle.

Dans les études réunies ici la philosophie indienne est envisagée dans ses commencements védiques. Elle consiste avant tout en une réflexion sur les pouvoirs de la parole poétique (avec sa modalité de silence) dans ses rapports avec le geste rituel. Tel est le cadre général d’études qui portent sur le surgissement et les premières élaborations de notions qui en effet se développeront dans l’âge classique sous forme de théories de la connaissance et de l’action et donneront naissance à des systèmes proprement philosophiques, au sens européen du terme, et qu’on appelle en Inde des darśana, « vues ».

[Note du GREI : nous savons de source sûre que, depuis l’entretien, Monsieur Malamoud s’est procuré Qu’est-ce que la philosophie indienne ? et en a commencé la lecture.]

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Nous venons de publier un livre de Vincent Lefèvre sur Le Génie de l’art indien dans lequel tout un chapitre est consacré à l’iconographie et à la question de l’aniconisme. Dans L’Inde fondamentale, un article s’intéresse à la représentation des dieux et met en évidence des aspects bien particuliers, complémentaires du propos de Vincent Lefèvre. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Le livre de Vincent Lefèvre est précieux pour trois raisons principales, très inégales : 1) Il décrit avec finesse et précision tout ce qui relève de la matérialité de l’œuvre d’art (plastique). 2) Il insiste sur le fait que l’espace artistique indien ne se limite pas à l’Inde. Il y a une « Inde extérieure » dans l’Asie du Sud-Est qui est tout aussi indienne que l’Inde proprement dite. 3) Il mentionne souvent, avec déférence et précision, l’œuvre de Bruno Dagens. Je suis fier d’avoir été, dans mes années strasbourgeoises, celui qui l’a initié au sanscrit.

D’autre part, Vincent Lefèvre passe en revue les textes littéraires de l’Inde ancienne où sont décrites ou évoquées des peintures ou des sculptures. Bien entendu cet examen ne saurait être exhaustif. Et je pense que la réflexion sur l’aniconisme védique devrait être poussée plus avant et tenir compte de ce qu’en dit Renou, trop brièvement, il est vrai, au chapitre “Les images des dieux dans la littérature de l’Inde ancienne”, p. 175 de L’Inde fondamentale.

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L’entretien intégral : Charles Malamoud et Nicolas Filicic.