La prochaine séance de la SOCIÉTÉ ASIATIQUE aura lieu le vendredi 14 février 2025 à 17h15
en salle Pierre et Marie Curie
(au 1er étage, au fond de la galerie des bustes, après les portes coupe-feu)
Palais de l’Institut, 23 quai de Conti, 75006 Paris
ORDRE DU JOUR
Décès
M. Pierre-Sylvain Filliozat, décédé le 28 décembre 2024
Communications
Monsieur Jan E.M. HOUBEN, Directeur d’Études à l’EPHE-PSL, présente une communication intitulée :
Le Temps selon le grammairien-philosophe Bhartṛhari (fin Ve – début VIe siècles) et ses commentateurs : un nouvel éclairage sur une vieille controverse.
L’un des principaux domaines de recherche, de publication et d’enseignement de Pierre-Sylvain Filliozat a été la tradition de la grammaire sanskrite, avec comme point culminant la grammaire sophistiquée de Pāṇini, suivie de commentaires détaillés dans lesquels les règles de la grammaire de Pāṇini (IVe siècle AEC), sont analysées et explorées du point de vue de la grammaire, de la linguistique et de la philosophie.
Dans cette tradition, le philosophe-grammairien Bhartṛhari (fin Ve – début VIe siècles) constitue un jalon marquant, et P.-S. Filliozat a contribué à l’étude de cet important penseur. Dans sa présentation lors du colloque international sur Bhartṛhari de 2003 (à New Delhi, Inde) et dont les Actes ont paru en 2009, P.-S. Filliozat a souligné que Bhartrhari « a conçu un système métaphysique bien structuré dans lequel le temps occupe une place centrale ». Bhartrhari a exprimé ses vues de la manière la plus systématique dans le Vākyapadīya, composé de quelque 1950 vers didactiques ou kārikās. En ce qui concerne l’interprétation précise de certaines de ces kārikās, y compris celles concernant la conception philosophique du Temps par Bhartrhari, les premiers commentateurs montrent un certain nombre de désaccords, et il existe également une longue controverse sur l’identité de ces premiers commentateurs. Nous expliquerons d’abord les principaux points de la philosophie du Temps de Bhartrhari et apporterons quelques nouvelles perspectives sur ces controverses en nous appuyant sur une étude récente des manuscrits d’un commentaire ancien rare.
Monsieur Jean-Pierre MAHÉ, membre de l’AIBL, présente une communication intitulée :
De l’Anatolie antique au Caucase médiéval : l’image et le son.
Entre ce titre ambitieux et les super-productions hollywoodiennes que furent Spartacus, Quo vadis, les Dix commandements, il y a au moins une différence essentielle : loin d’être contemporains, le son et l’image sont séparés par plusieurs siècles, et même des millénaires. Mais pour le reste, il s’agit bien d’un problème cinématographique : mettre des paroles sur un décor et des personnages.
Prenons le cas du bouclier ourartien d’Anzaf (VIIIe siècle avant notre ère), qui montre le dieu Khaldi entrainant au combat tout le panthéon d’Ourartou et provoquant la panique des armées assyriennes. Le son est réduit aux noms des divinités indiqués en caractères cunéïformes. Mais les mêmes noms se retrouvent dans un tarif sacrificiel gravé sur le roc de la Porte de Mher. Or Mher – un Mithra plus ou moins humanisé, transformé en géant dans le folklore arménien – partage le rayonnement et la force titanesque du Khaldi ourartien. Il est vrai que l’épopée où il apparaît n’a été recueillie qu’au XIXe siècle, mais on peut démontrer qu’elle était déjà connue des auteurs arméniens du premier millénaire.
Autre exemple : les vichaps. Ce que les Arméniens appellent ainsi sont des gros poissons monolithes, que les Ourartiens plaçaient dans les canaux d’irrigation pour intimider les monstres de la canicule, insatiables serpents de nuages noirs pompant en été toute l’humidité de la terre et asséchant lacs et rivières. Des rituels arméniens pour la pluie conservent la mémoire des chants que l’on adressait à ces bons poissons protecteurs.
À qui observerait que ces miettes ethnologiques sont bien loin d’épuiser la question, on pourrait citer le proverbe géorgien : « il n’est pas nécessaire de boire toute l’eau du fleuve pour savoir quel goût elle a ».